Le coup de la chenille.

9 novembre 2017

46 - Lot

Dordogne

fly.only

Après une nuit hantée par des éclusées géantes et des flots boueux, dès mon réveil, je saute sur mon smartphone pour consulter les niveaux. Aie, la Maronne et la Cère turbinent.

En effet lorsque j’arrive au bord de l’eau, la Dordogne roule des eaux grises bien peu engageantes. Le vent est irrégulier, il y a quelques éclaircies. Pendant que je m’habille quelques insectes se mettent à dériver ravivant l’espoir.

Au fur et à mesure que je descends vers le poste, il me semble voir des ronds. 15 minutes plus tard, il dérive une mouche tous les 30 cm. Une émergence massive de petits éphémères olives clairs. Le tapis roulant est en marche.

Curieusement, seuls les petits ombres sont hyperactifs en surface. Il faut vraiment chercher les poissons corrects qui doivent pour le moment se gaver de larves sous l’eau.

Toutefois, de temps en temps un rond plus imposant vient crever la surface. Vu l’abondance de mouches, il va falloir pêcher juste. Autant quand il y a peu de mouches, on peut leur faire la blague avec un peu n’importe quoi d’insectiforme, autant là ils demandent un minimum de ressemblance entre la mouche et les insectes qui dérivent.

Le plus dur est d’enfiler le 14 centièmes dans l’oeillet de si petits hameçons. Pour le reste il suffit de réciter une partition parfaite. Cette pêche d’automne lors des éclosions monstres ressemble à bien des égards à la pêche lors des émergences de sulphures.

Le matériel doit être parfait, la concentration à son maximum, le pilonage avec des dérives parfaites intense et surtout, l’évolution spatio-temporelle du bas de ligne lors des dérives parfaitement maîtrisée. C’est à mon sens la clé du succès pour éliminer les ferrages dans le vide : lors du posé, il faut réussir à détendre/tendre le bas de ligne pour qu’après une longue dérive sans dragage il soit en parfaite configuration pour maximiser le ferrage. Au moment précis où la mouche arrive sur la croix virtuelle où le poisson va monter il faut qu’il soit tendu. Cela demande un peu d’habitude mais c’est une tuerie.

En appliquant ça à la lettre, les prises s’enchaînent. Mais toujours pas de gorets en vue. J’en ai pourtant pris plusieurs cette année sur cette gravière. En les attendant, je remarque que les poissons installés prennent des subimagos hauts sur pattes. C’est le moment de leur faire le coup de la chenille.

Ces éclosions massives représentent un des rares moment de l’année où on peut en effet faire manger aux ombres d’authentiques palmers en coq bien fournis. L’abondance permet le luxe de se faire ce petit plaisir : les amener à engamer des écouvillons avec des hackles raides comme la justice. Et ça marche jusqu’au moment où les gros sont sortis.

Fini la rigolade, il me reste trois quart d’heure de pêche et les gorets se mettent enfin à table en surface en cette toute fin d’émergence. Le premier que j’attaque est un nomade solitaire. Il brasse beaucoup d’eau mais se déplace sans arrêts. Un vrai  cauchemar. Il faut quasiment pêcher en aveugle et espérer qu’une dérive parfaite lui passe au dessus la tête. Je n’arriverai pas à le cadrer, il n’a pas de rythme ni de poste

Un second monte plus régulièrement mais il n’est pas né de la dernière pluie. Il me faudra trois changements de mouche pour le prendre. Et pour cause, alors que j’admire ce superbe poisson, je pense halluciner en apercevant deux mouches identiques dans sa gueule. Non je ne rêve pas. C’est bien deux de mes mouches et donc le même poisson que celui que j’ai cassé au ferrage il y a une semaine. Mon imitation et le bas de ligne sont toujours présents au coin de sa gueule. Elle était pourtant monté avec un hameçon sans ardillon. Comme quoi, il n’est pas si simple pour un poisson de se débarrasser d’une mouche.

Il est 16 h, je suis déjà hors limite au niveau temps. Mais un troisième pépère fait des vagues. Je ne peux pas le laisser. Malheureusement, la dérive s’estompe tout comme ses gobages et il ne me laissera pas vraiment l’occasion de travailler.

Qu’importe, il faut que je parte quasi à la course pour rejoindre la voiture. Sur la route du retour, le roux des hêtres forme comme une haie d’honneur dans la vallée. Je suis bien. Et cette nuit, je pense que je vais rêver à des ombres géants qui engament des chenilles touffues plutôt qu’à des torrents de boue.

Merci la Belle.

Fred

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